Université des Mégalithes

"J'en ai vu passer des humains et des civilisations et je suis toujours là". Regarder le monde à l'ombre d'un mégalithe, ça change toute la vision.

Les gravures rupestres de la forêt de Fontainebleau décodées

Source: pages Internet du Musée de Préhistoire d’Ile-de-France

Les gravures sont constituées de motifs géométriques, de représentations schématiques de personnages, de quadrupèdes et de créatures fantastiques. Elles apparaissent dans des cavités et sur des grès déposés sous des surplombs, donc de caractère non ostentatoire, non visibles depuis l’extérieur. Elles sont étudiées comme des représentations symboliques d’une mythologie, en partie de la Protohistoire (fin de l’âge du Bronze, -9e siècle), en partie d’époque non identifiée. Le style est dénommé HMM « Haut Mont-Malmontagne » :

  • signes géométriques variés, représentations humaines et animales, créatures fantastiques traitées dans un style très schématique
  • svastikas, croix présentant des pointes entre les branches, triangles marqués d’une cupule au centre, peignes opposés séparés par des cupules, figures en forme de roue ou évoquant le soleil, travois avec attelage
  • représentations de cervidés, d’oiseaux, de serpents, de personnages à tête représentée par une cupule, des créatures féminines à tête en demi-lune et corps quadrillé et de créatures masculines à tête triangulaire dont certaines tenant un sistre
  • personnages munis d’un objet en forme de bâton sur lequel sont fixés des éléments qui font penser à un sceptre

Un certain nombre de signes HMM se retrouvent sur des céramiques de la fin du Bronze final (Ha B3) dans la Drôme, en France centrale et dans le Centre-Ouest. Le sistre montre une ressemblance frappante avec le sistre en bronze de Hochborn en Rhénanie-Palatinat. Les représentations de créatures évoquant à la fois l’humain et l’animal n’apparaissent pas sur les céramiques du Bronze final. Les créatures fantastiques, souvent en position dominante, pourraient correspondre à des divinités dont la représentation n’avait pas sa place sur les poteries. Page descriptivePage détailléeArticle (GERSAR, D. Simonin, R. Lebon, L. Valois)

Source: pages Internet du Musée de Préhistoire d’Ile-de-France

Analogies lapone, alpine, méditerranéenne, celtique (résumé de la page descriptive, Charles Stépanoff): « Personnellement, j’ai trouvé une analogie forte avec les dessins des tambours Samis (…).Pour le chaman sami (le noaidi), c’était un instrument qui l’aidait à entrer en transe pendant laquelle son esprit pouvait voyager dans d’autres mondes, dans le monde des dieux ou encore dans d’autres endroits. Les motifs sur un tambour reflètent la vision du monde (…): rennes, prédateurs carnivores, scènes de chasse, bateaux avec des filets de pêche, élevage de rennes, montagnes, lacs, personnes, divinités, campements avec des tentes et des lieux de stockage. Ce monde dans lequel vivaient les Samis était donc peuplé de forces de la nature et de divinités qui surpassaient les hommes et dont il fallait obtenir les bonnes grâces (…). On a trois éléments dans le chamanisme: un expert (le chamane), des gens non experts reconnaissant l’expert (les profanes) et un tiers, l’invisible, les esprits. Il faut ces trois éléments pour parler de chamanisme.

  • A Fontainebleau, le sistre est tenu par un personnage à la tête triangulaire coiffée (un chaman, un dieu ?). Le sistre est un cadre dans lequel sont enfilées des coques de fruits, des coquilles ou des rondelles métalliques qui s’entrechoquent. Lorsqu’on le secoue promptement et sèchement, incite à la danse. La scansion au sistre, à l’instar du tambourin, est associée aux cérémonies religieuses accompagnées de transes et de transports extatiques. On ne retrouve ni armes, ni scènes de chasse (…).
  • Une composition très particulière consiste en un personnage surmontant un triangle compartimenté en bandes et recoupé à son extrémité par une ligne horizontale, elle-même complétée par deux figures triangulaires latérales plus petites. Elle évoque des attelages tirant un travois ou un chariot, tels qu’on les trouve au mont Bego (Alpes-Maritimes) et à Chalain (Jura) (…).
  • Une autre composition est une créature principalement avec une tête en palette triangulaire, des mains tridactyles mais dénuée de jambes, le corps filiforme se terminant principalement par un triangle. Cet anthropomorphe est entouré bien souvent de serpentiformes et ou de cervidés, ces créatures pouvant représenter un corps « divin » venant à la vie. Le triangle représentant symboliquement le sexe de la femme et le fil reliant le corps, le cordon ombilical (…). Une divinité gauloise porte le nom de Cernunnos, celui qui a le sommet du crâne comme un cerf. Elle est représentée sur le chaudron d’argent de Gundestrup, assise dans la posture bouddhique, tenant d’une main un torque et de l’autre un serpent, entourée d’animaux les plus divers, et notamment d’un cerf et d’un serpent : peut-être faut-il voir dans ces bois de cerf surmontant la tête du dieu un rayonnement de lumière céleste.
Source: pages Internet du Musée de Préhistoire d’Ile-de-France

L’exposition: elle se visite du 15 avril au 30 décembre 2023 au Musée de Préhistoire d’Ile-de-France à Nemours. Elle présente un ensemble rupestre qui ne trouve de comparaison directe qu’un peu au nord, chez son petit jumeau de la Hottée du Diable, entre Coincy et Fère-en-Tardenois (Aisne). Sa modernité est la possibilité d’une visite virtuelle du musée sur le Net. De même, la visite en ligne des abris gravés du massif de Fontainebleau

Le livre: « Pierres secrètes. Mythologie préceltique en forêt de Fontainebleau ». Contributeurs: Pierre Pétrequin (préface), Anne-Sophie Leclerc (avant-propos), Daniel Simonin et Laurent Valois (gravures, styles, attributions, p.14-113), Daniel Gricourt et Dominique Hollard (dieux, et déesses sur les gravures, p.114-143), index. Errance & Picard (groupe Actes Sud) 2023, 155 pages, 30 €.

Bulletin n°84 de mai 2023 des AEC (Amis des Etudes Celtiques) : « Cette culture a beaucoup de liens avec le cerf et on y trouve beaucoup d’éléments qui rappellent avec une certaine antériorité la mythologie de Cernunnos, des ‘’Shaman’’, des déesses-mères qui donnent naissances à des jumeaux ou qui leur transmettent des pouvoirs, des serpents, etc. On entrevoit des rapports magiques entre la déesse et le cerf. C’est une culture jamais vue avant ces découvertes. Une partie des éléments gravés renvoie à des images de la Protohistoire, et plus précisément à la fin de l’âge du Bronze ».

À propos de Jean-Marc Bélot

Eclairer le présent, montrer que le meilleur est possible: devenirs des sociétés humaines, lieux merveilleux qui nous entourent.

2 commentaires sur “Les gravures rupestres de la forêt de Fontainebleau décodées

  1. lousineterteryan9910
    25 mai 2023

    Ces gravures ressemblent à celles trouvées en Arménie dans les montagnes de Syunik et Gueghams. Surtout les motifs géométriques, les chèvres (il y en a tellement qu’on nomme ces gravures l’écriture de chèvre -itsaguir en arménien) les personnages et les créatures fantastiques.

  2. Jean-Marc Bélot
    27 mai 2023

    Intéressant, vous savez de quelle époque elles sont datées ?

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Cette entrée a été publiée le 25 mai 2023 par dans @ Cités sites remarquables, Ile-de-France, Centre.

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