"J'en ai vu passer des humains et des civilisations et je suis toujours là". Regarder le monde à l'ombre d'un mégalithe, ça change toute la vision.
Bienvenue au pays des hommes-chevaux ! Le Vermandois. Le nom de cette petite région provient de celui de la tribu gauloise des Viromanduens. Les termes gaulois viro et mandus signifient homme et cheval. Les Viromandui seraient les hommes-chevaux, avec une référence guerrière très probable. Cela fait aussi penser au signe du Sagittaire. Tout comme le Valois (capitale de l’archerie) et le Soissonnais (reliques de saint Sébastien, martyrisé à coups de flèches), le Vermandois est dans le signe du Sagittaire du zodiaque centré sur Paris (montagne Sainte-Geneviève). Sa capitale guerrière était l’oppidum de Vermand, complétée sous l’empereur Auguste par Augusta Viromanduorum, sa capitale commerçante. Deux capitales, c’est normal pour un signe double comme est celui du Sagittaire.
9h30 Départ en traversant Saint-Quentin. Quentin est un évangélisateur venu de Rome, faisant partie du cycle des martyrs de Rictiovare, préfet de Belgique Seconde à la fin du IIIe siècle (avec Lucien de Beauvais, Firmin d’Amiens, Gratien de Saint-Gratien, Crépin et Crépinien de Soissons, Valère et Rufin de Bazoches, Macre de Fismes, Fuscien, Victoric et Gentien de Saint-Fuscien, Just de Saint-Just, Piat de Tournai), donc un peu après saint Denis de Montmartre et saint Rieul de Senlis. Il devint boiteux suite à une chasse contre un loup garou des Ardennes. Il prêcha à Amiens : arrêté, torturé, on l’emmenait à Reims pour le juger mais, arrivé chez les Viromanduens, il échappa miraculeusement et se mit à prêcher. Rictiovare alors le fit décapiter et fit jeter son corps dans les marais. Fêtes : 31 octobre 287 ou 303 (martyre), 24 juin (1ère invention), 3 janvier (seconde invention). Première invention : 55 ans plus tard, un songe conduisit Eusébie, une aveugle venue de Rome à Augusta Viromanduorum pour retrouver la dépouille de Quentin. Ses prières l’emmenèrent à un endroit où le corps et la tête du martyr ressurgirent des eaux. Eusébie souhaita le faire ensevelir à Vermand, mais les bœufs le transportant s’arrêtèrent en haut d’une colline, où fut construite une chapelle précédant l’actuelle basilique, et elle retrouva la vue. Seconde invention : en 641, sa tombe étant oubliée, saint Éloi la retrouva d’une façon miraculeuse, voyant une lumière qui, quand il ouvrit la tombe, éclaira le ciel. Une odeur de sainteté se répand dans l’église. Le pèlerinage prit une grande extension, saint Eloi déposant les reliques dans une châsse fabriquée de ses mains. Saint Quentin guérit les rhumatismes, la toux, la coqueluche, les fièvres, la peur du loup, la constipation, les maux d’yeux, l’aveuglement.
Le Quai Gayant. Le canal Crozat joignit l’Oise à la Somme sous Louis XV et Louis XVI. C’est l’origine du port de Saint-Quentin. Il prit le nom de canal de Saint-Quentin pour rejoindre l’Escaut. A la ligne de partage des eaux, le souterrain de Riqueval, 6 km, fut creusé. Il fut inauguré en 1810 par Napoléon Ier et l’impératrice Marie-Louise. En 1966, l’ouverture du canal du Nord par Péronne et Noyon, le supplanta. Port Gayant à St-Quentin : Gayant est surtout connu comme le géant de Douai. Peu après la mort de Charlemagne, ce forgeron, homme du feu, protégea la ville contre l’invasion par les Reuzes, venus de la mer (probablement les Vikings), peuple de l’eau. Le nom de Gayant pour le géant se retrouve dans le nord de l’Aisne à Saint-Quentin et à Chauny. A Chauny, il s’est assis pour regarder passer les bateaux. Plus au sud, c’est Gargantua qui est présent au Verziau de Gargantua (pierre levée à Bois-lès-Pargny) et à la Hottée de Gargantua à Molinchart. Il est réputé porter le soleil d’est en ouest (cf jambes de Gargantua dans le ciel), donc lié aussi au feu. On remarquera qu’on est dans le signe du Sagittaire, signe de feu.
Sainte Hunégonde, abbesse d’Homblières, 25 août 690. A Homblières, on ne quitte pas les géants avec sainte Hunégonde (cf géante Huna d’Alsace et les Hunebedden, lits de géants néerlandais), peut-être la parèdre de Gayant, rive gauche ; comme Eusébie est celle de saint Quentin. L’abbaye d’Homblières et la châsse de sainte Hunégonde aux Xe et XIe siècles. [article]. Procession à sainte Hunégonde à Homblières. Le 1er dimanche de juillet, jour de la procession en mémoire de la translation de ses reliques. Encore enfant, elle allait toutes les nuits assister aux prières des religieuses d’Homblières. On appelle encore Chemin de sainte Hunégonde, un chemin vert conduisant des Lambais à Homblières. Persécutée par son mari, elle lui échappa lors d’un voyage à Rome pour se précipiter faire vœu de virginité aux pieds du pape. Elle revint seule à pied et se retira au couvent d’Homblières. Son corps fut retrouvé le 6 octobre 946, par Berthe, abbesse de ce monastère. L’évêque de Noyon vint exhumer le corps, qui n’avait cessé de jeter un éclat des plus radieux, de répandre une odeur des plus suaves et d’opérer d’insignes miracles. La cérémonie s’en fit le 7 novembre. Les nonnes d’Homblières furent ensuite connues par leur libertinage, jusqu’en 1793 où elles furent dispersées. Le 25 novembre 1793, les reliques furent enterrées dans l’église paroissiale.
10h-10h40 Sources de la Somme à Fonsomme (saint Blaise pour les maux de gorge). Cette sortie complète le tryptique de sorties « en remontant la Somme » : en Baie de Somme en 2003 et Ascension 2016 au pays des eaux bleues de la Somme avec Laurent Devîme. Source de la Somme à Fonsommes. Pèlerinage à saint Blaise et à saint Lanci, pour guérir les maux de gorge. Du latin summa, point le plus élevé, Somme signifie source dans de nombreux lieux. Au temps des gaulois, elle se nommait Samara, la rivière tranquille, de samo (tranquille) et ar (rivière ou vallée). Qu’on ait coupé la tête de saint Quentin peut rappeler que, désormais, la tête de la Somme était par ici. Car il n’y avait pas de légende de l’origine de la source, ou plutôt elle était oubliée car la référence à la gorge est aussi présente plus bas dans son cours. La source la plus importante était celle de l’Ancre et même plutôt de l’Hallue, plus en aval dans la Somme, les 3 cours d’eau se jetant dans un immense lac vers Corbie aux temps préhistoriques. Mythologiquement, l’Hallue naquit expulsée de la gorge d’un géant nommé Gargantua, fils d’un ours et d’une châtelaine, il faisait des enjambées de 10 ou 12 lieues, chacun de ses repas durait six mois, des collines naissaient de ses déjections. Un jour, un bûcheron entra par hasard dans sa bouche. Il trouva sept pèlerins qui vivaient depuis sept ans de ses réserves. Il les libéra en chatouillant avec son fagot la gorge du géant. Cela eut pour effet de libérer aussi l’Hallue, qui coule toujours ! En descendant la Somme après Saint-Quentin, toujours dans l’Aisne, on rencontre plusieurs lieux-dits Pithon. Puis, à Ham, première ville du département de la Somme, la famille de Luxembourg revendiquait descendre de Mélusine. Le château avait une gargouille féminine avec un collier de perles et un corps couvert d’écailles de poisson. Près de Péronne, le fleuve est le domaine de la bête qui s’allonge ou qui entraîne. Il s’agit d’un animal fantastique qui s’offre à transporter les imprudents qui lui grimpent sur le dos; il allonge alors le cou démesurément et précipite ses cavaliers dans l’eau. A Allaines, elle s’appelle la bitarde et à Allery, la dallue. A Allaines, c’est un cheval blanc ou un baudet. C’est un cheval blanc à Maurepas : Le baudet pouvait transporter 7 personnes. La bête qui s’allonge est un baudet à Carnoy, un carimaro à Cléry-sur-Somme et un gobelin à Curlu : le promeneur était contraint de rebrousser chemin quand il le rencontrait (la rivière Oise, pas loin d’ici, est le domaine de Marie-Grouette, qui habite dans le fond et attire par les pieds l’imprudent qui s’approche trop du bord).
11h05-11h45 Sources de l’Escaut et tumulus du Mont-Saint- Martin (ancienne abbaye de Prémontrés) (légendes sur l’Escaut, saint Martin, forêt d’Arrouaise). L’Escaut passe à Cambrai, Valenciennes, Tournai, Gand, Anvers, c’est un fleuve. Scaldis signifie en gaulois rivière brillante ou belle rivière, et en latin, peu profond (Schelde en flamand). Jusqu’au XVIIIe siècle, sa source était à Ponchaux, 4 km plus au nord. Fleuve lent, c’est une voie de communication depuis toujours.
Quelle divinité ? L’abbaye Saint-Nicolas du Transloy (62) fut fondée en 1090, où un arbre antique était à la frontière Amiénois-Vermandois-Artois, et peut-être même Cambrésis. Au lieu-dit le Tronc-Bérenger, deux prêtres Hildemar et Conon rencontrèrent un ermite, Roger, se joignirent à lui et bâtirent en ce lieu un oratoire qu’ils dédièrent à la Sainte Trinité et à saint Nicolas (cf trinité celtique et le Nix). Bérenger aurait été un chef de bande au VIIe siècle, aurait écumé la Morinie et serait enterré à la Motte-Bérenger, au sud-est de Bapaume, entre Sailly-Saillisel et Mesnil-en-Arrouaise.
11h45 Retour par Bellicourt, Bellenglise, puis Vermand. Forêt nommée Bellen ou Belain à Bellenglise (Belaineglise, 1190). Le village aurait été construit sur l’emplacement de cette forêt.
12h-12h40 Vermand, sur l’Omignon (marais du martyr de Saint-Quentin, fontaines St-Quentin et St-Blaise, oppidum se voit). L’oppidum de Vermand était la capitale des Viromanduens. Remplacée par Augusta Viromanduorum, fondée sous Auguste, Vermand redevint capitale au IVe siècle, à la ruine de Saint-Quentin. C’est la période où les chefs-lieux de cités prenent le nom du peuple. On ignore le nom précédent. Pèlerinages à saint Quentin :
15h Visite de la ville. Détruite à 80% à la Première Guerre mondiale, le plan de reconstruction de Bigot est adopté en 1919. Les édifices publics et les commerces sont construits dans le style Art Déco. L’agglomération antique est au confluent de la Somme au sud et d’une vallée de sources à l’ouest. La principale est celle du Gronnard. Il en existait d’autres au nord-est, scellées par les fortifications au XIVe (enseigne ou quartier des Fontaines). D’autres surgissaient en amont au Prè aux Oisons (plus tard Bagatelle). Elles alimentaient des cours d’eau divagants, espaces marécageux, de taillis et de prés. Le fleuve encore modeste, les sources sont à 12 km, s’accroît grâce aux sources de Harly, Rouvroy et du faubourg d’Isle (Fontaine ferrée, des Turgeons, de l’Ermitage). Le parcellaire et l’archéologie suggèrent une trame. L’axe général est-ouest, conservé par l’avenue Faidherbe et la rue Emile Zola, pourrait correspondre au decumanus principal. Nous allons suivre cet axe qui est celui de la procession de la Papoire. Un lien est conservé au sud avec le Mont Fendu, où fut exécuté le comte de Vermandois Héribert II, qui mit Charles le Simple dans la prison où il mourut. Saint-Quentin, JL Collard, Persée ; Carte archéologique de l’Aisne; Démons et merveilles de l’hôtel de ville de Saint-Quentin (B Lebrun). Lille : du Quesne, 2009
Basilique. L’hypothèse d’un temple sous la Collégiale repose sur l’inscription qui y a été retrouvée
On retrouve la trace du bourg fortifié du IXe siècle autour de la basilique. Une charte communale, l’une des premières, est octroyée à la ville en 1080. Aux XIIe et XIIIe siècles, c’est une cité drapante où convergent les draps de laine qui sont foulés, teints puis négociés. L’habitat a largement débordé de l’enceinte du IXe siècle et de nouveaux remparts sont élevés. La Collégiale débute à l’extrême fin du XIIe siècle. Saint-Quentin compte alors sans doute entre 12 000 et 15 000 habitants.
Hôtel de Ville. Au XVIe siècle, la cité se dote d’un nouvel Hôtel de Ville (1509) et retrouve sa dimension commerciale (vins, draps et toiles). Mais en 1557, l’armée espagnole de Philippe II assiège et pille la cité, qui sera rendue en 1559 au traité du Cateau-Cambrésis. Sous Louis XIII, les fortifications obsolètes sont renforcées.
La maison du Petit Saint-Quentin, à l’angle des rues Saint-Martin et Sainte-Marguerite aurait été le lieu de sa prison et de son martyre.
Eglise Saint-Jacques. XIIIe, détruite en 1557 et reconstruite à quelques dizaines de m. En 1805, le clocher est converti en beffroi et la nef sert de halle aux grains et aux poissons, puis de Bourse du Commerce. En 1918, il ne reste que le clocher et quelques colonnes. De 1927 à 1929, elle reconstruite en bourse et chambre du commerce mêlant Renaissance et gothique. En 1936, le haut du clocher menace de s’effondrer et est abattu, le bas étant caché par la façade. Devient un lieu de culture dans les années 90.
De la fin du XVIIe siècle à la Révolution, la prospérité économique de la ville repose sur les toiles de lin qui sont blanchies, apprêtées puis négociées dans la ville. Cette production de grande qualité approvisionne alors les cours européennes et du monde. A l’ère industrielle, les fortifications sont abattues (1820-1840), laissant place à de nouveaux quartiers et au parc des Champs-Elysées. Le canal de Saint-Quentin et la ligne de chemin de fer Paris-Saint-Quentin favorisent les échanges.
Fontaine aux grenouilles. Cette fontaine monumentale est située au milieu de la Place La Fayette, dite là-bas place des grenouilles. Des grenouilles en fonte ou en bronze (?) crachent l’eau dans un premier bassin circulaire; Au centre de ce bassin un autre bassin et au centre de ce dernier une colonne avec des vasques accolées. Les jeux d’eaux doivent être jolis quand elle fonctionne… GPS : 49°51’04 » N / 3°17’14 » E. La fontaine Paringault de la place Lafayette a été érigée en 1897 par l’architecte Malgras et le sculpteur Gillain. Elle était surmontée d’un buste de Paringault qui avait institué St Quentin sa légataire universelle. Elle était entourée de grenouilles. La fontaine est fondue par les allemands à la 1e guerre mondiale. En 1933, la municipalité réinstalle la fontaine. La partie architecturale est d’André Brassart et le buste d’Ernest Diosi. Le second buste sera fondu pendant la seconde guerre mondiale. L’actuelle fontaine est remise en eau en 1986, sans buste mais avec les grenouilles.