Le temps des yūrei, esprits sombres du Japon

785 marches vers les sanctuaires de Kotohira, fondés au Ier siècle (kami Ō-mono-nushi-no-mikoto, divinité bouddhiste Konpira et esprit de l’empereur Sutoku), plus 583 marches entre les sanctuaires
Samain, Halloween, et sous d’autres noms, la nuit du 31 octobre au 1er novembre est celle où tertres et tumulus s’ouvrent pour laisser les esprits des morts aller à la rencontre des vivants. Le Japon prend une place de plus en plus grande dans le monde par ses bandes dessinées manga et ses dessins animés, présentant de nombreux êtres mythologiques et traditionnels. C’est le temps de laisser la parole aux yūrei, les esprits sombres du Japon.
Les yūrei sont les esprits sombres : fantômes, revenants, âmes restées accrochées au moment de leur mort. Vêtement flottant, cheveux en bataille, sans jambes, ils ne touchent pas le sol. Ils sont vus surtout vers 2-3h du matin, en été (vacances d’été d’Obon, du 13 au 15 août, avec des variantes en juillet selon les régions). Les prêtres de la religion des esprits (Goryō Shinkō) peuvent leur rendre la paix.
On distingue les akuryô/akurei (esprit maléfique), borei (fantôme nostalgique), chōpirako (grand enfant), daiyōkai (grand yōkai, plus puissant et plus intelligent, principaux daiyōokai), funayūrei/umibōzu (noyé demandant aux navires un baquet pour l’eau de leur bateau. Si on leur en donne un, au contraire, ils remplissent le navire jusqu’à ce qu’il coule), fuyûrei (fantôme flottant), goryō (noble provoquant par vengeance tremblements de terre, typhons, sécheresses, ou racontant son histoire), ikiki (suicidé), ikiryô (forme matérialisée par la rancœur d’un vivant), makura-gaeshi (enfant moine), onryo (spectre vengeur, femme trompée ou violentée), reiki (mort sans service funéraire), shiryo (esprit mort), toire no hanako (hante les toilettes des écoles), tengu (érudits bouddhistes ayant pêché par arrogance, restant reclus dans les montagnes), ubume (morte enceinte ou laissant un enfant), usu-tsuki-warashi (enfant mangé), zashiki warashi (enfant espiègle) (Clickjapan, Dark stories, Encyclopédie du paranormal, Nautiljon, Negima, Ojapon, Wikipedia, Yokai.com).
Parmi les lieux emblématiques :
- La plage Dan-no-ura (sud de Honshū, détroit de Shimonoseki), l’équivalent de notre plage du Débarquement. Une bataille navale signa la victoire des Minamoto sur les Taira le 25 avril 1185.
- La forêt d’Aokigahara, sous le Mont Fuji, lieu de nombreux suicides.
- Sanctuaires Shiramine-jing à Tokyo et Kompira (Kotohira, district de Nakatado, pf de Kagawa). L’empereur Sutoku (1119-1164), exilé à la préfecture de Kagawa, suscite l’anthologie poétique Shika Wakashū et écrit des poèmes et des sutra bouddhiques à ses ennemis à la Cour Impériale, espérant un pardon qui lui est refusé. Après son décès, le croyant daiyōkai, Dai-tengu, on lui attribue la chute de l’influence de la Cour Impériale et la montée des samouraïs. Sutoku-Tennō est déifié dans l’espoir de l’apaiser.
- Sanctuaires Kitano Tenman-gū à Kyoto et Dazaifu Tenman-gū (pf de Fukuoka). Sugawara no Michizane (845-903), est un lettré, poète, ministre, exilé à Dazaifu. Après sa mort solitaire, lèpre et sécheresse se répandent. Les fils de l’empereur meurent. Le palais est frappé par la foudre. Kyoto connaît des pluies torrentielles et inondations. Attribuant cela à l’esprit en colère de Sugawara, des sanctuaires lui sont consacrés. Puis il est déifié comme dieu de la culture Tenjin Sama ou Tenmangū, invoqué pour porter chance aux examens.
- Légende prototype d’Okiku, onryo, comme les suivantes :Le Pin Suspendu d’Himeji. Le seigneur Odagaki Shumesuke, chef de la famille d’Aoyama du pays Hatama (ville d’Himeji) s’aperçut qu’il lui manquait une tasse précieuse. Il interrogea la jeune servante Hanano, qui ne sut que répondre. Il la tortura, rejoint par son samouraï Kasadera, qui poursuivait Hanano de ses assiduités, et qui l’avait cachée pour se venger. Pendue à un pin, sa rage se fit sentir au manoir chaque nuit.Cimetière Myogyo-ji, Tokyo. L’onryo de la jeune Oiwa, suicidée en 1636, menace de blessures comme les siennes: côté droit du visage horriblement marqué, zones sans cheveux tombés en touffes.
- Cimetière Shin-Banzuin, Nezu, Tokyo. Jeune fille morte d’une peine de cœur. Portant une lanterne de pivoine, souvent accompagnée de sa servante Oyone, elle attaque sous forme de plaisirs charnels.
- Le manoir d’Ushigome à Edo. La maîtresse du samouraï Hattori cassa une assiette d’héritage. Sa femme, jalouse, ne voulut pas d’argent, de remplacer l’assiette, une demande impossible. Elle la fit enfermer dans une cellule, sans nourriture ni boisson. Le 5ème jour, elle vivait toujours, alors la femme l’étrangla et la fit enterrrer. Mais la maîtresse revint et supplia qu’on la relâche. La femme paya quatre hommes forts pour l’étrangler et l’enterrer de nouveau. Alors, sa gorge enfla, elle ne put plus rien avaler et mourut. Les quatre hommes de main moururent de la même manière. L’onryo de la maîtresse venait de se venger.
- Le puits du château de Himeji, hanté par le fantôme de Okiku, servante ayant cassé une précieuse assiette, tuée par son maître et jetée au puits.
- Quartier de Tsukiji à Tokyo. Aujourd’hui marché aux poissons animé, c’était auparavant le complexe du temple Honkan-ji et une zone de cimetières. Le long de la rivière Sumida, des stands vendaient de l’amasaké, un saké doux pour enfants. Tard dans la nuit, une femme serrant un enfant dans ses bras vint en acheter et en donna à son enfant. Le marchand, sentant quelque chose de mystérieux, la suivit. Elle se dirigea vers le hall principal du temple, où elle disparut comme une bougie soufflée. Il entendit alors le cri d’un bébé, venant du cimetière. Il trouva la tombe, demanda de l’aide pour creuser et trouva un bébé qui pleurait dans les bras du cadavre de sa mère.
- Route Shigeru Mizuki à Sakaiminato: Gashadokuro ou Oodokuro, squelette géant constitué des ossements de morts de faim. L’avenue comporte 120 statues qui honorent l’artiste dont celle du Gashadokuro.
- La salle de théâtre kabuki de Nakamura-za, à Edo, où fut donnée la première pièce sur eux (Tokkaidō yotsuya kaidan) le 26 juillet 1825. Ce jour est depuis leur fête, le jour des fantômes, yūrei no hi.
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À propos de Jean-Marc Bélot
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